Grass Sickness : Le point sur la maladie et cas cliniques – bulletin n°9
T. COCHARD (1), Xavier D’ABLON (2), Anne SAISON (3) et Claire MOUSSU (3)
Avec l’arrivée du printemps, plusieurs foyers de maladie de l’herbe ont été identifiés dans la Sarthe et le Calvados. Il nous a semblé judicieux de faire un point sur l’état actuel des connaissances concernant cette maladie et de vous présenter un foyer récemment confirmé.
La maladie de l’herbe est une maladie neurologique dégénérative qui affecte le système autonome. Elle semble toucher tous les équidés (chevaux, poney, ânes, équidés sauvages en captivité). Les premiers cas ont été décrits en 1907 dans l’Est de l’Ecosse puis en Angleterre. D’autres ont ensuite été identifiés dans plusieurs pays de l’Europe de l’Ouest (dont la France, la Scandinavie, la Norvège, le Danemark, la Suisse et l’Allemagne) en Amérique du Sud (Patagonie, Chili, îles Falkland) et plus récemment aux Etats-Unis.
Elle touche plus particulièrement les jeunes chevaux avec un maximum de cas entre 2 et 7 ans. Aucune prédisposition en fonction de la race ou du sexe n’a pu être mise en évidence. Elle atteint principalement des chevaux au pâturage. Les chevaux exclusivement en box sont rarement atteints. Son caractère contagieux n’a pu être mis en évidence. Si la plupart des cas sont sporadiques, il n’est pas rare d’observer des séries de cas dans certains élevages (plusieurs chevaux atteints simultanément dans un même élevage ou cas identifiés annuellement sur un même site) ; Dans l’hémisphère nord, on observe une concentration des cas au printemps et en été. Les conditions climatiques semblent également avoir une incidence sur l’apparition des cas (temps doux et sec).
L’étiologie de cette affection demeure inconnue. Des investigations ont porté sur la recherche de substances toxiques produites par des plantes (dont les dérivés de cyanure contenus dans le trèfle blanc), de substances chimiques, de toxines bactériennes (toxine botulique en particulier), de mycotoxines. Aucune de ces hypothèses ne semble actuellement satisfaisante. En revanche, plusieurs études ont confirmé la présence d’une neurotoxine dans le sérum des animaux atteints de forme aiguë.
Une étude épidémiologique récemment menée par les anglais a permis d’identifier les facteurs de risque suivants : nombre de chevaux présents sur le site, fréquence d’introductions de nouveaux individus, type de sol (risque augmenté pour les sols riches en sable et en humus), ramassage mécanique des crottins dans les pâtures, présence de volailles domestiques ou de gibier à plume dans les parcelles(facteur de risque), présence de bovins sur les parcelles (facteur protecteur). Ces éléments pourraient étayer l’hypothèse d’une toxi-infection liée à une bactérie tellurique. Enfin, les centres équestres semblent être les structures les plus fréquemment touchées.
L’évolution de la maladie peut se faire sous trois formes. Dans la forme aiguë (évolution en 48h), les animaux atteints présentent un arrêt du transit digestif avec dysphagie, reflux gastrique, hypersalivation, impaction du colon, distension du grêle, silence abdominal, et tachycardie.
La dépression est souvent plus importante que la douleur et s’accompagne d’une ptose des paupières et d’une rhinite sèche. Dans les formes sub-aiguës (évolution en 2 à 7 jours) et chroniques, les symptômes digestifs s’accompagnent d’un amaigrissement rapide. On observe anorexie, abattement, sudation, coliques sourdes, crottins secs et tremblements musculaires. L’évolution est fatale dans plus de 90% des cas et les survivants conservent une incapacité à l’exercice physique. Certaines formes cliniques peuvent être confondues avec la maladie du motoneurone.
Les animaux atteints ne présentent pas de modifications caractéristiques des paramètres hémato-biochimiques. Une étude est en cours pour valider l’utilisation de bandelettes urinaires pour le diagnostic précoce (augmentation de la densité urinaire, de la glucosurie, des protéines et diminution du PH). Le collyre à la phénylephrine (0,5%) supprime en 30 mn la ptose des paupières des chevaux atteints.
Le diagnostic de certitude est établi lors de l’examen nécropsique. Des modifications histologiques caractéristiques sont observées sur les ganglions digestifs (caeliaco-mésentériques) et la paroi de l’iléon (biopsie possible).
Il n’y a pas de traitements spécifiques. Ont été testés sans résultats notables les antioxydants (acétylcystéine), les oxigènes (brotizolam) et les stimulants de la motricité intestinale (cisapride). Dans certains cas chroniques et peu sévères, un bon « nursing » peut donner des résultats.
Cas clinique :
7 Poneys dans un foyer de la Sarthe (72)
Il s’agit d’une ferme pédagogique localisée dans la Sarthe possédant un cheptel de 30 chevaux et poneys. D’autres animaux sont présents sur le site : lamas, daims, porcs, cygnes, gibier à plume. Des canards Colverts sont présents dans les herbages.
Les cas de grasssickness sont survenus au sein d’un lot de 15 poneys d’origine diverse stationnés depuis le début de l’hiver sur une parcelle de 5 ha. Il s’agit d’une prairie naturelle sur sol pauvre (acide et sableux).
Les principales espèces recensées sont du trèfle, des graminées, du plantain, du rumex et de nombreuses renoncules. Les zones de refus ne sont pas fauchées et la prairie est surpâturée par endroit. Les poneys sont alimentés avec du foin et un aliment complet (quinze jours avant l’apparition du premier cas, l’éleveur avait réduit de 2/3 la ration de foin et augmenté modérément l’apport en aliment complet distribué à même le sol).
Le 27 avril, deux poneys adultes présentent des symptômes de coliques avec de l’apathie, de l’hypersalivation, un silence abdominal avec météorisation modérée et reflux gastrique important, de la tachycardie (env. 80b/mn) et de la fasciculation musculaire. Les deux animaux sont euthanasiés le lendemain. Au cours de la semaine suivante, plusieurs cas apparaissent successivement. Une autopsie est effectuée à l’AFSSA Dozulé qui confirme le diagnostic de maladie de l’herbe. Le 30 avril, tous les poneys sont retirés de l’herbage.
Sur une période de vingt jours, 7 animaux provenant de la même exploitation sont morts, ainsi que 3 poneys résidant sur 2 autres sites dans le même village en ayant manifesté des signes cliniques similaires (évoluant sur 3 à 5 jours). Cinq de ces 10 chevaux ont été hospitalisés et ont reçu un traitement symptomatique intensif (perfusion, prokinétiques etc.), mais sans succès. Les examens complémentaires réalisés (hématologie, biochimie, ionogramme, bactériologie sur le liquide de reflux, analyse de l’eau de boisson) n’ont pas permis de déterminer l’origine de l’affection. Tous les animaux malades ont exprimé la forme aiguë de la maladie et aucun n’a survécu. Peut-être verrons-nous quelques cas chroniques, et la perte de poids caractéristique de cette forme mais, un mois après le dernier malade, nous n’avons pas eu d’autres cas dans notre clientèle.
Nous remercions également M. Lunet (propriétaire) pour son aide au recueil d ‘informations sur son élevage.
(1) Clinique vétérinaire d’Arnage
(2) Clinique vétérinaire de la Côte Fleurie
(3) Afssa